dimanche 8 juin 2014

Fournée

Quantité de pain que l'on fait cuire en même temps dans le four.
Ensemble de gens à qui l'on fait subir un même sort ou qui participent à un même mouvement : une fournée de Juifs.

Ainsi, les deux sens se rejoignent, semble-t-il, dans l’esprit (?) d’un le pen – sans majuscules, l’usage attribuant des majuscules aux noms propres ne saurait s’appliquer dans ce cas précis.
Pour autant, peut-être faudrait-il remercier cet individu de rappeler le vrai visage du fn (on ne réexplique pas le coup des majuscules).
Une fournée pour les Juifs, Ebola pour les Noirs, une le pen fille (marion-anne-perrine, de son vrai nom) qui n’arrive pas à se garder à droite ni à l’extrême droite de son père et qui brâme de sa belle voix de gardienne de camp, pardon je veux dire de gardienne des vraies valeurs (la valeur de son héritage un peu glauque ?) son indignation à chaque saillie de son père. Le mot est employé ici à dessein, le malheureux ne doit plus guère bander sans le coup de main si j’ose dire d’une masturbation incantatoire, les Juifs, les Juifs, les Juifs, les Juifs etc. 
Les Noirs, les Arabes aussi, mais on sent que c’est moins bon, le cœur (?) n’y est pas. Depuis qu’une poignée d’Arabes s’est mis en queue (on ne peut pourtant pas dire en tête) de gagner 70 vierges hypothétiques dans un non moins hypothétique paradis en assassinant des gamins, de charmantes vieilles dames ou de paisibles touristes, il finirait même par leur trouver des qualités.

C’est vrai, on ne choisit pas sa famille, fifille n’y est pour rien. On ne choisit pas non plus ses amis dirait-on, et faut-il que le sort s’acharne sur elle pour l’avoir rapprochée de tant de gens absolument pas fréquentables ! Depuis ses accointances malvenues du bal des maudits nazis en Autriche à une bonne partie des collaborateurs recrutés parmi les anciens du gud, ordre nouveau et autres groupuscules fachisants et fiers de l’être, quel manque de chance…

Les fournées, donc. Quoique persuadée d’après leur descendance – puisque par force je ne les ai pas connus – qu’ils étaient bons comme du pain blanc, qu’ils furent comme on dit de bonnes pâtes prêts à se mettre en quatre pour rendre service à leur famille, leurs cousins, leurs voisins même n’en déplaise à deux pen (sans majuscule faut-il la marque du pluriel ? il vaut mieux laisser au singulier en espérant qu’ils le soient vraiment, singuliers), je n’en pense pas moins que la place de ma grand-mère et de mon grand-père n’était pas dans un four en compagnie de quelques millions d’autres. Et que tout immonde et ignoble salaud qui souhaite de nouvelles fournées devrait se porter volontaire pour tester le matériel histoire de vérifier que tout fonctionne bien.

Ce triste pen est con, même si le temps ne fait rien à l’affaire et qu’il l’a toujours été, c’est maintenant un vieux con, de tempérament plutôt sanguin et on peut se risquer à lui prédire une fin prochaine. Connaîtra-t-il l’angoisse, la suffocation ? Ce sera de toute façon plus confortable que pressé au milieu de centaines d’autres.

Mais on peut se prendre à rêver, à défaut de fours, de flammes éternelles… l’enfer n’existe pas ? il faudrait l’inventer.


vendredi 2 mai 2014

Histoire de quenelles



Se moquer d'un pauvre type à cause de ses choses ? À peine si j'oserais tellement c'est bas. Par bonheur il n'en a pas.


L’édifiante histoire de Queunulle


Il était une fois un pauvre garçon, très malheureux car Dieu dans Sa grande injustice lui avait donné une queue nulle. Oui, une queue nulle, une queue nouille, enfin un tout petit machin qui pendouillait tristement.

D'ailleurs, sans parler même de cet appendice malencontreux, il avait lui-même un peu l’aspect d’une quenelle toute flasque, et n’avait par conséquent jamais l’occasion de se servir de cette petite queue, nulle part. Du coup, si j’ose dire, elle restait cachée.

Hélas, un jour qu’il se baignait dans un marigot nu comme un asticot, un Juif survint. Certes ce n’était guère charitable, mais enfin devant ce spectacle que vouliez-vous qu’Élie fît ? Il n’hésita point et appela les copains, évidemment. Et le misérable fut dès lors affublé du sobriquet de Queunulle.

Alors son aigreur ne connut plus de loi, et l'acidité qui lui rongeait déjà les entrailles – estomac, foie, intestins – provoquant d’ailleurs des flatulences peu propices à améliorer ses rapports avec le genre humain, finit à force de renvois par at­teindre le cerveau.

Il se mit à éructer à n’en plus finir, ce qui était normal vu l’état de ses abats, et surtout il se mit à éructer contre les Juifs, ce qui tout compte fait était assez nor­mal aussi : le premier responsable du surnom abhorré n’était-il pas son ex-copain Élie ? Élie qu’il jalousait depuis toujours car beaucoup moins con que lui – malgré ce que notre irremplaçable Bobby Lapointe a pu raconter sur les Élie cons.

De plus, Celui qui l’avait en premier lieu affligé de cette queue, c’était Dieu, tout de même. Or, comme chacun sait depuis toujours, Dieu est partout. Et comme chacun sait depuis Brasillach, les Juifs aussi sont partout, ces gens-là ; donc, Dieu est juif. Et si ce fallacieux syllogisme ne convainc pas, cette démonstration, elle, est imparable : juif ça s’attrape par la mère, Jésus était juif donc Marie aussi, et personne n’irait imaginer qu’une juive pratiquante se ferait mettre en cloque par un goy, Dieu ou pas.

Mais revenons à notre chapon, à nos moutons veux-je dire, Queunulle, donc, éructait, et allait très mal. Il faut savoir que le malheureux, comme si le reste ne suffisait pas, souffrait aussi d’un dédoublement de la personnalité. 

Partagé, complètement déchiré même, entre son désir de se faire passer pour une victime mais ne sachant pas bien victime de quoi alors que les Juifs – encore eux – n’ont que l’embarras du choix, et un bizarre besoin d'avoir une plus grosse voiture, une plus grosse maison, tout plus gros que les autres, il aurait voulu consulter, se faire soigner, psychothérapiser, psychanalyser mais là encore les Juifs le poursuivaient : tous les psychiatres sont juifs depuis Freud, et puis franchement risquer de s’entendre dire « tout est sexe »... ça vexe quand le tout en question se rapporte à si peu de chose.

Mais un jour enfin, et grâce à ses problèmes intestinaux, il entrevit la lumière. En visite chez un compère aussi sot que rat, lequel en conséquence remplaçait le papier – doux mais pas gratuit – par n’importe quel papier imprimé ou non, il s’ennuyait ferme enfermé constipé dans les cabinets, et comme ainsi qu’il l’exprimait avec toute l’élégance dont il était capable la lecture l’avait toujours fait chier, il entreprit plein d’espoir de déchiffrer des feuillets déchirés dans des livres. Et il lut :

Un sot trouve toujours un plus sot qui l’admire 

Queunulle, quoiqu’il fût persuadé comme tout imbécile qui se respecte d’être très intelligent, n’avait pas pu ne pas se rendre compte que personne parmi ceux qu’il enviait secrètement ne lui rendait justice ; par contre il advenait qu’il fît rire ceux auxquels sa certitude d’avoir de l’esprit suffisait pour le trouver drôle. Il se mit à penser, longtemps, très longtemps, à ce que ce Boileau racontait, mais quand il sortit enfin des lieux d’aisance il était fort aise.

Un sot trouve toujours un plus sot qui l’admire ? Alors puisqu’on le prenait pour un imbécile, il allait leur montrer, à tous ces intellectuels, qu’il n’en était pas la queue, ou plutôt la moitié d’un.

Et il se mit à être de plus en plus bête, de plus en plus méchant, de plus en plus ridicule, de plus en plus antisémite, et ça marchait. Tous les braves cons sûrs de lutter contre le système honni lui offraient leur obole et l’enrichissaient, tous les crétins heureux de se reconnaître dans un crétin en chef – les crétins ont tou­jours aimé les chefs – l’applaudissaient, tous les jaloux, les frustrés, les bons à rien le suivaient et l’imitaient, ravis d’avoir enfin un ennemi identifiable sur qui taper.

Ils singeaient des gestes dont personne et surtout pas ceux qui les singeaient ne savait trop ce qu’ils signifiaient, sinon que c’était contre.

Contre quoi ? les Juifs. Ce qui compte – comme disait un autre taré, mais celui-là était peintre – c’est d’être contre les Juifs. N’importe quel abruti com­prend tout de suite que si la dernière fois on en a tué six millions, ils ne pou­vaient pas être complètement innocents, on ne tue pas six millions de gens comme ça pour rien. D'ailleurs il ne faut rien exagérer : d'après le sot rat, encore lui, peut-être y en avait-il tout au plus quelques dizaines.

Ainsi, Queunulle devint riche et célèbre. Il en aurait presque oublié le tout petit détail qui l’avait tant chagriné, et quand il manquait d’inspiration pour aboyer et baver de haine devant ses admirateurs, il se répétait fort content de lui « un chef, une quenelle, du pognon ! » 
Et s'imaginant dans ses rêves les plus fous investir son argent tout neuf dans des wagons et libérer par le travail des millions d’êtres humains, il repartait de plus laid.

Mais les meilleures choses ont une fin, et heureusement, les plus mauvaises aussi.

À force d’encourager les crétins à détester les Juifs, à taper sur les Juifs, à démolir les Juifs, Queunulle leur avait montré combien il est bon de haïr son prochain si le prochain n’est pas tout à fait son pareil ; il arriva ce qui devait arriver, les crétins blancs et les crétins noirs ou moins blancs que blanc s’avisèrent un beau soir au cours d’une grand-messe de Queunulle qu’il ne restait pas beaucoup de Juifs sur qui cogner, et qui plus est absolument aucun dans cette assemblée de crétins; mais qu’ils avaient sous la main, immédiatement, des prochains assez peu pareils et donc de quoi se divertir.

Au cours de l’étripage qui s’ensuivit, Queunulle qui était encore plus cupide que stupide voulut s’interposer pour ne pas laisser piétiner une affaire aussi florissante et ce fut lui qu’on piétina.

Écrasé sur le sol dans son costume beige, il faisait irrésistiblement penser à une quenelle sauce nantua, dans laquelle on aurait un peu forcé sur le concentré de tomate.